Nilu
Il y a pile un an, Nilu partait pour 3 semaines au Sri Lanka. Elle devait se marier avec son boyfriend, un gentil businessman Sri Lankais rencontré à Singapour. A 30 ans, elle allait enfin pouvoir commencer sa vie. Il faut dire que jusqu’ici c’était plutôt de la survie.
Orpheline de mère à 14 ans, aînée d’une fratrie de 5 enfants, elle se retrouve alors « maman » de son petit frère d’à peine 3 mois. 2 ans plus tard c’est son père qui meurt, elle devient officiellement en charge de sa famille. Elle est plus ou moins recueillie par sa tante (un peu la belle-mère de Cendrillon version Sri Lankaise-trash-intouchable) et végète entre orphelinat et travail à l’usine où le moindre centime gagné est donné à la (méchante) tante.
À 18 ans, le mariage est prévu, le mari a été choisi par la famille comme l’impose la tradition. L’homme a 40 ans, un seul bras (!) et ne décroche pas un mot à sa future épouse lors des présentations. On explique à Nilu que vue sa situation : une orpheline, pauvre et de sa caste (genre la pire) c’est déjà un miracle qu’un homme veuille bien l’épouser. De toute façon, ce n’est pas comme si elle avait son mot à dire.
Il me semble important de préciser que Nilu est très jolie et je suis certaine que malgré son pedigree handicapant, aucun homme ne restait totalement indifférent à son charme.
Pour ne pas se marier, elle propose alors de partir travailler en tant que maid à Singapour. Elle promet à son futur mari de lui envoyer tout l’argent qu’elle gagnera, il accepte. 10 ans plus tard, le futur mari en a eu marre d’attendre et a même renoncé à sa rente. La tante et le reste de la famille ont repris leurs droits sur le précieux salaire. Entre le frère alcoolique, la dot pour les mariages des demi-sœurs (les mêmes que celles de Cendrillon visiblement), les mauvais investissements de l’oncle, et les histoires à coucher dehors du reste des frères et soeurs, c’est un puit sans fond. Chaque dollar gagné a été envoyé à cette famille de fous, de sorte qu’à 30 ans, Nilu n’a juste rien du tout.
Quand elle est arrivée chez nous, la première chose que je lui ai demandée est bien évidemment pourquoi ? Mais pourquoi continuer d’envoyer de l’argent ? Pourquoi ? Il m’aura fallu longtemps pour comprendre, vraiment.
Au Sri Lanka et notamment quand on vient d’une famille traditionnelle, on n’existe pas en dehors de sa famille. Etre reniée par sa famille est la pire chose qui puisse arriver. La mort sociale c’est pire que la mort tout court. C’est comme ça, point. En tant qu’aînée elle se doit d’entretenir ses frères et sœurs et elle doit aussi rembourser la tante pour tout ce qu’elle a du dépenser pour eux. C’est l’unique but de sa vie, jusqu’à ce qu’elle se marie. Une fois mariée, elle appartiendra alors à sa belle-famille et devrait simplement changer le nom du bénéficiaire de ses revenus. Et tout ceci n’est en rien une question de sentiment. C’est juste le fonctionnement de la société toute entière.
La famille de Nilu est pire que traditionnelle. C’est un peu la branche dégénérée de la caste des débiles (je sais mais c’est plus fort que moi). A peine avait-elle mis le pied au Sri Lanka lors de ces fameuses vacances l’année dernière, qu’elle s’est retrouvée séquestrée chez sa tante. Son boyfriend a été kidnappé par le tonton et humilié devant tout le village pour lui passer l’envie d’épouser sa dulcinée. Le tout arrosé de menace de mort et je vous passe les détails sordides.
Mais comment avait-elle pu imaginer une seule seconde que sa famille accepterait de la laisser épouser un type qu’elle avait choisi elle-même ? Un homme issu d’une autre caste et qui plus est d’une autre religion? Les privant, en plus, du précieux salaire ?
C’est probablement une partie du problème, notre Nilu est naïve. Elle est réellement adorable, pleine de charme, et d’une gentillesse rare, elle a l’intelligence du coeur mais elle est, comment dire, un peu … simplette.
Quand elle est revenue de cet enfer, elle était transformée… une loque. Elle a pleuré non stop pendant plusieurs jours en m’expliquant qu’elle n’avait plus aucune raison de vivre, qu’elle ne pouvait plus retourner au Sri Lanka, qu’elle n’avait plus de famille, plus de pays, plus rien. Qu’elle n’était plus rien.
Il faut préciser que les maids a Singapour n’ont aucun droit. Elles sont obligées d’habiter chez leurs employeurs et ne peuvent en aucun cas rester à Singapour en dehors de leur contrat de travail. Elles sont également soumises à un test de grossesse tous les six mois. En cas de résultat positif, elles sont renvoyées chez elles illico.
J’ai aussi découvert à cette occasion qu’elle n’avait pas d’amies, pas de loisirs, pas de projet (en dehors du mariage avorté), rien à part Dieu. C’est d’ailleurs à l’Eglise (celle des de la “vraie lumière”, une branche un peu excessive du Christianisme, je te laisse imaginer…) qu’elle passe tout son temps libre depuis qu’elle est arrivée à Singapour.
Bref nous avions un sérieux problème.
Je me suis aussi aperçue au passage qu’on ne peut pas s’improviser “coach de maid” ou “psy de maid” comme ça car un monde voire un mur nous sépare. Impossible de réussir à me mettre à sa place pour la comprendre, tout dans notre manière de penser est différent. Alors je l’ai juste écouté, j’ai essayé de ne pas la juger, de toujours me souvenir de ce gouffre culturel qui nous sépare. Bien sûr elle s’est jetée dans la gueule du loup mais elle n’avait pas d’autre choix. C’était le seul moyen, à ses yeux, de se libérer de cette famille. Elle devait se marier avec leur bénédiction sinon ce mariage ne la libérerait pas.
Ce fut un gros exercice d’humilité, d’écoute et de remise en question. Il m’a fallu ranger mes gros sabots de caucasiennes pour trouver les mots qui la réconforterait vraiment. Il a fallu lui faire plus de place de place dans la famille, lui donner du temps pour elle, pour se construire une vie avec des loisirs, des amis et des projets.
J’ai d’abord pensé à lui trouver une “activité” qui lui permette de faire des rencontres et de s’ouvrir doucement au monde. Je lui ai proposé tout ce que les Community Centers offrent. Le choix est immense mais elle a juste voulu prendre des cours de français. C’était décidé, elle s’installerait en France un jour. La France, ce pays avec des gentilles « madam » 😉 Je lui avais aussi parlé de faire une activité sportive avec tous les bienfaits que ça a pour le corps et l’esprit. Mais elle n’était pas prête.
Depuis elle a troqué les cours de français pour la danse classique et c’est la révélation ! Le tutu, les chaussons roses, la musique, tout comme dans ses rêves de petites filles. Chaque lundi soir, elle a les yeux brillants et le sourire figé, c’est le soir du ballet class ! Elle va dans la même école que Little 1, avec un prof français en plus. Je crois que c’est aussi important que le reste.
J’en viens (enfin) au sujet que je voulais aborder en écrivant ce billet. En cherchant un soutien psychologique adapté pour elle, je suis tombée sur AIDHA. Cette ONG propose un cursus de 2 ans spécial pour les « foreign domestic helpers ». L’objectif de cette formation est de les aider à se construire un avenir dans leur pays. La première année est consacrée aux fondamentaux : apprendre d’abord a économiser leur argent et notamment comment dire non à la famille, initiation aux nouvelles technologies, word, excel mais aussi Youtube et Facebook ! La seconde année est entièrement dédiée à la construction d’un projet professionnel, comment développer un business, faire le business plan, recenser les besoins, calculer la rentabilité, la gestion des stocks, identifier les risques, etc. Il y a également une grosse partie des cours orientés développement personnel, comme un MBA quoi 😉 Les cours sont organisés le dimanche et la formation coûte quelques centaines de dollars.
Nilu vient de terminer la première année et les progrès sont tout simplement hallucinants, à tous les niveaux. Le plus impressionnant est le gain en ouverture d’esprit et elle revient de très très loin…
J’en arrive à l’objet initial de ce billet : son témoignage, le discours qu’elle va prononcer ce dimanche devant la nouvelle promo. Le voici, j’ai corrigé quelques fautes ici et là mais je n’ai pas touché au reste, c’est parfois maladroit mais tellement émouvant …
Good afternoon ladies and gentlemen I am here to talk about my time at aidha.
Who I am? Where I come from? Why did I come to Singapore? How did I find Aidha? Why did I enroll? What I have learned? And finally what I plan for my future.
1/ Who I am ? My name is Nilushika. I am from Sri lanka.
2/Why did I come to Singapore? I came to help my younger brothers and sister because my parents passed away when I was 14 years old. I was the only one to support them.
After 3 years working in Sril Lanka in a garment factory, I decided to come to Singapore, so I could earn more money to help my younger ones to have a better education. Yes I did help them. But I did not thought about myself. I am working in Singapore now for nearly 10 years and I was sending home most of my earned money. I did not save much for my self. But now, thanks to Aidha i do save and a lot.
How did I find aidha? And why did I enrolled? I did work for four different employers till I find my current employer Olivia. She is the one who helped me to change my life. She finded the aidha for me. And even she helps me by paying the course fees. She is the most wonderful person I met in my life.
Why did I enroll? In December 2010 I went home to get married. But it did not happen because my family did not agree. Many bad things happened during these two weeks holiday in srilanka. It made me feel so helpless. My family made me thing I worth nothing. I could not do anything. I was under my uncles control. After I came back to Singapore, I decided in my heart never to go back home again.
Then I was so depress, Lonely, felt there is nothing I could do. I was crying to God. I missed my mother so much. And there was my madam Oivia helped me. She said go for this course at aidha you will find your way to your future . She is the one who encourage me to go to aidha. So that is how I started to come to aidha.
What I have learned at aidha? It is so much ! I learnt in campus club, budgeting, building confidence and how should I make an investment and on what. Low cost more incomes.
In leadership club I learned how to manage myself and others, team work and how I create win win outcomes.
In computer workshop I learned excel :recordkeeping, creating a database. I also learnt cool stuff as creating videos, sending to the friends, sending pictures from emails, Facebook , and many more.
The last is now what I have planned for my future? Yes When I came here I had only one dream : to go to Europe and live there but it is not as easy as I thought. After I studying 1 year at aidha it helped me to open my mind.
Now I feel like I have a great value and I can do so much things. I feel I am a person who has all right to live a happy life.
And now I am planning to start my own business. A sewing dress shop. And I am also thinking to study a beauty care course. Therefore I have signed at aidha for second year course so I will learn more.
If anyone asks me what am I am going to do in my future I can say I have many plans now. I am not the same person anymore, all thanks to aidha !
I would like to take this opportunity to thank madam veronica and all our volunteers teachers who has given their time for us.
Thank you. My God bless you!
Moi aussi je remercie Aidha et tous les volontaires qui font un super boulot. Si vous avez eu le courage de lire jusqu’ici et que vous avez une maid à la maison, parlez lui de ce programme, offrez lui les fees. Généralement, l’idée d’aller passer un dimanche sur deux (le matin ou l’après-midi) sur les bancs de l’école les rebute un peu donc il faut les encourager, voire les pousser un peu. Ca vaut vraiment la peine.
Voici les adresses citées dans ce billet:
http://www.aidha.org/ (ils cherchent aussi des volontaires pour donner des cours le dimanche)
http://www.pa.gov.sg/ Le site des fameux community centers, sorte de MJC de quartier qui organise une tonne d’activités, culturelles, sportives, artistiques. Ca ne coûte quasiment rien et le choix est vraiment vaste.
L’académie de danse.
8 Claymore Hill
8 on Claymore #01/03-4
Singapore 229572
lacademiededansesingapore(at)gmail.com
Merci beaucoup pour ce billet, je suis justement en pleine recherches de programmes d’enrichissement (je sais le terme est mal choisi mais je ne trouve pas mieux) / socialisation pour notre maid qui a du mal a se créer un réseau social et souffre beaucoup de sa timidité, voire naïveté justement. Les programmes de l’aidha m’ont l’air tout a fait en ligne avec ces recherches. Merci d’avoir partager ces idées ! Bon we
:-)))) j’ai les larmes aux yeux en lisant….. bravo à vous deux !
Moi aussi j’ai la larmichette qui coule 😉
Bravo Nilu pour le parcours achevé et bon courage pour la suite et bravo Olive pour ta patience et gentillesse.
Tu peux m’envoyer son mail s’il te plait?
big biz
Très, très très émouvant, je suis fière de toi ma fille!
Mille bravos à toutes les deux.
Ton plus beau et plus utile billet.
Bravo my madam Oivia
Bravo a Nilu pour son courage et sa determination et un grand chapeau bas a toi qui l’a ecoutee, aidee et lui a permise de croire en elle.
Belle lecon d’humilite !
Merci pour ce tres bel article Olivia ( je vais le partager sur mon FB).
C’est une belle histoire, qui nous fait relativiser plein de choses, et comprendre qu’il y a encore du boulot à faire quant au droit des femmes dans le monde !
Merci à toutes pour vos gentils commentaires ici et dans Facebook! Je n’aurais jamais imaginé que ce billet toucherait tant de monde. L’histoire de Nilu est presque banale ici alors j’espère que ce témoignage aidera un petit peu les autres…
Très belle aventure. Cette histoire fait un contraste magnifique avec le blog suivant (une référence à SG) http://singaporemaid.blogspot.com/ qui éclaire la façon dont un grand nombre d’employeurs locaux de maids considère leurs employés.
Merci à Olivia de relever le niveau et bravo à Nilu pour sa motivation, j’espère qu’elle pourra mener à bien ses projets
Un très beau billet; très touchant qui m’a mis les larmes aux yeux… Une magnifique leçon d’humilité. All the best for Nilu
C’est génial de l’avoir aidé à se sortir de cet enfer!on commence à être + dans l’ambiance “pretty woman” mais où est Richard Geere?il attend quelque part….ce serait top!c’est toujours super émouvant la petite fille pauvre que devient une princesse!sauf que pour le moment le prince charmant est une princesse Olivia, ça ne marche pas;), mais …ce n’est pas fini, l’histoire continue et cette deuxième année à AIDHA peut réserver d’autres belles surprises…je l’espère de tout mon coeur pour Nilu.
Bravo pour cette humanité Olivia:)
Je suis revenue lire l’histoire qui m’a émue. C’est d’autant plus émouvant qu’on sait que Nilu n’est pas unique dans son cas, et c’est révoltant.
J’ai oublié dans mon premier commentaire de vous dire de transmettre à Nilu qu’une madam française qu’elle ne connaît pas lui souhaite tout le bonheur du monde, qu’elle mérite vraiment. Qu’elle soit enfin heureuse sera la plus belle revanche contre tout ce que sa famille lui a fait subir.
Super touchant ce que tu as écrit!
Félicitations à Nilu
good luck Nilu!
olivia et Nilu ont eu de la chance de se rencontrer.
Merci pour avoir partager ton expérience et les liens web….
Touchant. Une bien belle histoire, avec des personnages au grand coeur.
Bravo pour ce billet qui m’ouvre, à moi aussi, des perspectives pour ma relation avec ma ‘helper’! Justement, je cherchais une bonne idée de cadeau de Noël!
Bravo à Nilu pour son engagement!
Bravo! Ca ouvre les yeux. A vous deux vous devriez ecrire un livre et recollecter d’autres temoignages de maid, genre La couleur des sentiments/ The Help, a vous la gloire!
En lisant cette histoire, je me suis rendue compte que j’etais dans le même cours de danse que Nilu. Nous nous sourions, nous rions de nos maladresses mais je ne la regarderais plus de la même manière.
Et je confirme, elle a les yeux qui brillent et un merveilleux sourire.
Merci.
C’est le cours du vendredi matin avec Jonathan ? Je crois que ses yeux brillent pour lui 😉
Oops, j’avais ecrit un commentaire il y a quelques jours mais je ne le trouve plus! Bon, enfin tout ca pour dire que ce billet etait tres touchant. Je suis benevole a Aidha et nous avons organise une soiree cinema le jeudi 15 mars ou le film de Luc Besson The Lady sur la vie d’Aung San Suu Kyi sera projete. Tout largent recolte sera reverse a Aidha, alors venez nombreux(ses)! Les billets sont en vente aux bureaux d’Aidha au 2 Nassim Road ou en ligne en cliquant sur le lien suivant
http://www.aidha.org/about/become-a-friend-of-aidha/moviescreening/
Merci pour la publicite….
Très émouvant ! Et magnifique histoire que celle de Nilu, mais aussi exemplaires comportement et initiative d’Olivia, quant on pense à l’attitude inhumaine de la majorité des singapourien( nes) vis à vis de leurs maids ( illustrée notamment par leur réaction dernièrement à propos de la proposition gouvernementale à l’intention des employeurs d’accorder un jour de repos hebdomadaire à leurs maids ) !
Pour nous Européens, c’est ahurissant, incroyable. Inconcevable !
Je me pose donc une question : comment des encouragements aussi forts et aussi généreux et bien sûr totalement désintéressés
sont – ils perçus par les ” voisins ” singapouriens qui ne partageraient pas du tout cette conception ?
Et inversement cette attitude a – t – elle une influence sur ce comportement, et réussit- elle à le modifier ?
Je suis tout aussi très agréablement surprise que les maids soient ” autorisées” à suivre tous ces cours qui bien évidemment vont
Leur ouvrir les yeux et réveiller leur volonté de liberté et d’émancipation ? Heureusement, bien sûr !
En tout cas votre témoignage nous donne envie de connaître Nilu, de la féliciter, de la voir ” danser” , sourire, et ….réussir son buisness
Project.
Bravo Olivia, bravo Nilu, et merci à Bernard Golstein qui par son propre blog sur “Singapour , cité du monde “nous a orienté sur celui d’Olive.
On y reviendra avec enthousiasme.
Merci Tartine pour ce gentil commentaire et désolée pour le délai de publication, mon anti-spam me joue des tours 😉
Je voudrais quand même défendre un peu les Singapouriens au passage qui ne sont pas tous de méchants chinois esclavagistes, loin de là. Ils ont peur, peur de tout et surtout peur que leurs maids finissent sur le trottoir (ce qui arrive malheureusement trop souvent). Ils embauchent généralement des très jeunes filles pour pouvoir les payer le moins possibles et ces filles sont en effet une population “à risque” dès lors qu’elles disposent de trop de liberté d’un seul coup. Plusieurs personnes autour de moi en ont fait les frais. Par ailleurs les caucasiens, les blancs, les européens, les français inclus ne sont pas tous exemplaires LOIN DE LA. Je suis très souvent choquée par des attitudes d’employeurs caucasiens aussi. Je pense que la situation est beaucoup plus complexe qu’on ne croit. La relation employeur/employée est très très compliquée…
What a lovely inspirational story
Nilu is very pretty and I love the sari she chose to wear in the photo.
Hello Bookjunkie, thanks for you kind comment
RE:Nilu | My little Singapore НПП Валок Наплавка опорных валков
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